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lundi 5 mars 2018

What potential future for humanity?/ Quel avenir possible pour l'humanité?

The "flat world" of today's globalization is threatened with an ecological collapse or a nuclear apocalypse. In these conditions, what future can be envisaged? In addition to the pursuit of globalization in the form of the "flat world", three possible trends of evolution can be envisaged. They lead respectively to the models of the "post-liberal empire", "citizen renewal" and "solidarity democracy", as shown in the above graph, which represents the main trends in terms of social values. The first possible trajectory is to continue the current globalization, in the form of the "flat world". This model has proven its effectiveness in terms of technical progress and economic growth. On the other hand, based on the maximization of profit, it is not really compatible with measures of general interest. Each one is supposed to act according to his own personal interest, the resulting lack of solidarity and social cohesion leads to a multiplication of conflicts and, eventually, to a dislocation of society. By encouraging more and more goods to be consumed, this model is also incompatible with the sound management of common goods on a global scale. It leads, almost inevitably, to an ecological collapse. Three alternatives can be considered:
- The "post-liberal empire", which results from the passage from (IV) to (III), imposes the social order on the inside and a hegemonic power on the outside. While being a continuation of neoliberalism but opposing the expression of freedoms, this post-liberal regime marks the end of liberalism in its initial conception. Social inequalities are strongly accentuated and only the dominant oligarchy retains relative freedom, while being compelled to accept unreservedly the doctrine imposed by the regime in place. The constraints faced by the population lead to high social tensions and high risks of conflict.
- The "citizen renewal" operates the transition from (IV) to (I), following a change of perspective, which favors immaterial values. The current signs of aspiration to change show that such a transformation is not only conceivable, but even that it is even strongly desired by a large part of the population. It responds to a need for peace and justice. However, despite strong expectations, such a radical change will be difficult to make. It could only intervene after a phase of collapse of society, leading to the destruction of the current flat world.
- "Solidarity democracy" aims to bring together a community of citizens concerned with reducing inequalities and sharing power among all, ensuring the transition from (IV) to (II). In terms of values, solidarity democracy is the opposite of current globalization. It appears as the most sustainable model and probably the most desirable. However, even if it meets expectations, this model remains the most difficult to implement in the near future. For this reason, it will undoubtedly be necessary to achieve this through the previous stage of citizen renewal.
None of the previous models can accurately describe the future reality. The society being diverse, various components will, no doubt, be present tomorrow to varying degrees, as is already happening today. In the near future, the hypothesis of a continuation of globalization in its current form seems the most likely. The flat world that is the end result, however, faces, as we have seen, growing threats of ecological collapse, because of the profound environmental and social imbalances that result from its mode of operation. Prolonged unrest and the risk of social chaos may lead to an authoritarian regime. Such an evolution is undoubtedly the easiest to conceive, because it directly prolongs trends already present. Responding to the need for stability and security of a society that feels threatened, it does not require a disruption of mentalities, but simply requires the acceptance of a more or less gradual erosion of freedoms. A society experiencing economic or political difficulties may be tempted to accept an authoritarian regime that promises to solve all the problems it encounters. Therefore, the path to follow is in this case the simplest and most direct. However, contrary to appearances, the post-liberal regime is fragile, because of the rigidity of its social structures and the serious tensions that result from the constant use of force. He is therefore very vulnerable to any external disturbance. Therefore, only a large-scale cultural change, through a "citizen renewal" leading to a " solidarity democracy" of solidarity, seems able to preserve the world from a collapse or a final catastrophe.

Le "monde plat" de la globalisation actuelle est menacé d'un effondrement écologique ou d'une apocalypse nucléaire. Dans ces conditions, quel avenir peut être envisagé? Outre la poursuite de la globalisation sous la forme du « monde plat », trois tendances d’évolution possible peuvent être envisagées. Elles mènent respectivement aux modèles de "l’empire postlibéral", du "renouveau citoyen" et de la "démocratie solidaire"La première trajectoire possible consiste à poursuivre la globalisation actuelle, sous la forme du "monde plat". Ce modèle a fait la preuve de son efficacité en termes de progrès technique et de croissance économique. Par contre, fondé sur la maximisation du profit, il est peu compatible avec des mesures d’intérêt général. Chacun étant supposé agir en fonction de son seul intérêt personnel, le manque de solidarité et de cohésion sociale qui en résulte mène à une multiplication des conflits et, à terme, à une dislocation de la société. En incitant à consommer toujours plus de biens, ce modèle est, en outre, incompatible avec une saine gestion des biens communs à l’échelle planétaire. Il conduit ainsi, de façon quasiment inéluctable, à un effondrement écologique. Trois alternatives peuvent être envisagées :
"L’empire postlibéral", qui résulte du passage de (IV) en (III), impose l’ordre social à l’intérieur et un pouvoir hégémonique à l’extérieur. Tout en s’inscrivant dans le prolongement du néolibéralisme mais en s’opposant à l’expression des libertés, ce régime postlibéral marque la fin du libéralisme dans sa conception initiale. Les inégalités sociales sont fortement accentuées et seule l’oligarchie dominante garde une liberté relative, tout en étant astreinte à accepter sans réserve la doctrine imposée par le régime en place. Les contraintes subies par les populations entraînent de fortes tensions sociales et des risques élevés de conflit.
– Le "renouveau citoyen" opère le passage de (IV) à (I), suivant un changement de perspective, qui privilégie les valeurs immatérielles. Les signes actuels d’aspiration au changement montrent qu’une telle transformation est non seulement envisageable, mais même qu’elle est même fortement souhaitée par une large partie de la population. Elle répond à un besoin de paix et de justice. Toutefois, en dépit de fortes attentes, un changement aussi radical sera difficile à opérer. Il pourrait n’intervenir qu’à l’issue d’une phase d’effondrement de la société, conduisant à la destruction du monde plat actuel.
– La "démocratie solidaire" vise à réunir une communauté de citoyens soucieux de réduire les inégalités et de partager le pouvoir entre tous, en assurant le passage de (IV) en (II). En termes de valeurs, la démocratie solidaire se situe à l’opposé de la globalisation actuelle. Elle apparaît comme le modèle le plus durable et sans doute aussi le plus souhaitable. Toutefois, même s’il répond à des attentes, ce modèle n’en demeure pas moins le plus difficile à mettre en place dans un proche avenir. Pour cette raison, il sera sans doute nécessaire pour y parvenir de passer par l’étape préalable du renouveau citoyen.
Aucun des modèles précédents ne peut décrire exactement la réalité future. La société étant diverse, différentes composantes seront, sans doute, présentes demain à des degrés divers, comme cela se passe déjà aujourd'hui. Dans un proche avenir, l’hypothèse d’une poursuite de la globalisation sous sa forme actuelle paraît la plus vraisemblable. Le monde plat qui en est l’aboutissement est toutefois confronté, comme on l’a vu, à des menaces croissantes d’effondrement écologique, en raison des profonds déséquilibres environnementaux et sociaux qui résultent de son mode de fonctionnement. Des troubles prolongés et le risque de chaos social risquent de conduire à un régime autoritaire. Une telle évolution est sans doute la plus simple à concevoir, car elle prolonge directement des tendances déjà présentes. Répondant au besoin de stabilité et de sécurité d’une société qui se sent menacée, elle ne nécessite pas un bouleversement des mentalités, mais requiert simplement l’acceptation d’une érosion plus ou moins progressive des libertés. Une société en proie à des difficultés économiques ou politiques peut être tentée d’accepter un régime autoritaire lui promettant d’apporter une solution à tous les problèmes qu’elle rencontre. De ce fait, le chemin à suivre est dans ce cas le plus simple et le plus direct. Toutefois, contrairement aux apparences, le régime postlibéral est fragile, en raison de la rigidité de ses structures sociales et des graves tensions qui résultent du recours permanent à la force. Il est donc très vulnérable vis-à-vis de toute perturbation extérieure.  De ce fait, seule, une mutation culturelle de grande ampleur, passant par un renouveau citoyen et conduisant de là à une démocratie solidaire, parait en mesure de préserver le monde d'un effondrement ou d'une catastrophe finale.

dimanche 15 octobre 2017

La globalisation contre la démocratie? / Globalization againt democracy?

Globalization poses a potential threat to democracy because the system it puts in place weakens democratic states to the benefit of commercial companies, thus reversing the hierarchy of the public and the private sector . Globalization has amplified this inversion of powers, since multinational companies can deploy freely on the international level, contrary to the democratic institutions of the states. In a recent book, the Chinese academic Guogang Wu analyzes all the reasons that explain this growing divergence between globalization and democracy. Guogang Wu now teaches at the University of Victoria in Canada. His analysis has the advantage of taking into account both the Chinese and the Western perspectives. According to Guo Wang, the antagonism between democracy and globalization stems from the fact that democratic institutions have developed within the framework of nations and remain locked in this framework, while international companies are freely deployed on an international market governed by "the law of the jungle". This situation has led states to ally with international companies to project their power outside and strengthen their economic situation. Consequently, their institutions are less and less conceived in terms of social justice or general interest, but more and more in function of the multinational companies, with which the state forms an alliance, shaping a state-market nexus. In a representative democracy, if elected representatives are subject to the economic power of large financial institutions and international companies, democracy becomes purely formal because the choices made by political power no longer reflect the aspirations of citizens. The state is increasingly conceived as an enterprise, federating commercial firms. Its management mode is inspired by the mode of management of companies, following a "governance" that is in no way democratic. Citizens are no longer the instigators of the policy followed but mere executants. In such a context, the economy becomes the main criterion of success and the state which succeeds best is the one which gives priority to economic interests at the expense of social or environmental criteria. An authoritarian state is better placed to defend its interests when dealing with multinational companies than a democratic state. Private companies suceed better with an authoritarian state, able to eliminate most obstacles they can encounter. A country governed by a powerful but undemocratic central power like that of China seems able to succeed much better in economic terms than democratic countries. This may explain the success of China in the globalization process. The question of the future arises acutely. Should democracy be renounced in the name of efficiency? In such a case, the social tensions and conflicts between nations that would result could lead to the total destruction of any form of civilization. At the same time, it seems difficult to withdraw completely from the globalization process. The best option would probably be to adapt it to democracy in stages. A most dangerous move would be to rush torwards more deregulated globalization, as it might lead to an irremediable loss of democracy.

La globalisation représente une menace potentielle pour la démocratie, car le système qu’elle met en place affaiblit les États, dont les organes de décision sont issus du suffrage universel, au profit des sociétés commerciales, en inversant ainsi la hiérarchie du public et du privé. La globalisation a amplifié cette inversion des pouvoirs, car les multinationales peuvent se déployer librement à l’international contrairement aux institutions démocratiques des États.
Dans un ouvrage récent l'universitaire chinois Guogang Wu analyse toutes les raisons qui expliquent cette divergence croissante entre globalisation et démocratie. Guogang Wu enseigne à présent à l'Université de Victoria au Canada. Son analyse présente l'intérêt de tenir compte à la fois la perspective chinoise et la perspective occidentale.
Selon Guogang Wu, l'antagonisme entre la démocratie et la globalisation tient au fait que les institutions démocratiques se sont développées dans le cadre des nations et restent enfermées dans ce cadre, tandis que les compagnies internationales se déploient librement sur un Marché international, qui reste régi par "la loi de la jungle". Cette situation a conduit les Etats à faire alliance avec les sociétés internationales pour projeter leur puissance à l'extérieur et renforcer leur puissance économique. Dès lors, leurs institutions sont de moins en moins conçues en fonction de la justice sociale ou de l'intérêt général, mais de plus en plus en fonctions des multinationales dont les actions sont les plus conformes à leurs intérêts. Dans une démocratie représentative, si les représentants élus sont soumis au pouvoir économique des grandes institutions financières et des compagnies internationales, la démocratie devient purement formelle, car les choix effectués par le pouvoir politique ne reflètent plus les aspirations des citoyens.
Dans cette perspective, l'Etat est de plus en plus conçu comme une entreprise. Son mode de gestion est régi par une "gouvernance" qui n'a rien de démocratique, les citoyens n'étant plus les inspirateurs de la politique suivie, mais de simples exécutants. 
Dans un tel contexte, l'économie devient le critère principal de succès et l'Etat qui réussit le mieux est celui qui donne la priorité aux intérêts économiques aux dépens de tous les autres critères, sociaux ou environnementaux. Un Etat autoritaire est mieux placé pour défendre ses intérêts vis à vis des multinationales qu'un Etat démocratique. De même, les compagnies privées disposent de meilleurs atouts pour réussir, lorsqu'elles sont placées sous l'égide d'un Etat capable d'éliminer une grande partie des obstacles qu'elles rencontrent en termes de concurrence internationale, mais aussi dans le domaine social ou environnemental. Un pays régi par un pouvoir central puissant mais non démocratique comme celui de la Chine semble mieux à même de remplir de tels objectifs que les pays les plus démocratiques . Cette situation peut expliquer les succès emportés par la Chine dans le cadre de la globalisation.
La question de l'avenir se pose avec acuité. Faut-il renoncer à la démocratie au nom de l'efficacité? Ce serait extrêmement dangereux car les tensions sociales et les conflits entre nations qui en résulteraient pourraient conduire à la destruction totale de toute forme de civilisation. Il paraît en même temps difficilement concevable de tourner le dos à la globalisation. La meilleure option serait sans doute de l'aménager par étapes. Au contraire, la pire des solutions serait de se lancer dans une fuite en avant vers toujours plus de globalisation dérégulée, car ce serait courir le risque d'une perte irrémédiable de la démocratie.

dimanche 17 septembre 2017

Utopies réelles / Real utopias




Utopias seemed to have disappeared from the political horizon. Socialist utopias which were flourishing during the 19th century have not materialized, at least in their initial design. They even contributed to the implementation of totalitarian regimes during the 20th century and were therefore disqualified. However, the neoliberal globalization that started during the early 1990s has led to the present flat world, devoid of any vision for the future. Therefore, the need of utopias arises again. These utopias have to be desirable, thus avoiding the pitfalls of the past,  and also achievable. The sociologist Erik Olin Wright describes as real utopias alternative political systems that might provide satisfactory solutions to current problems, "Real Utopias is thus a way of evaluating institutions that exist, our experience of future possibilities in our present activities , and proposals for new initiatives to realize emancipatory strategies". The different ways in which the State, social and economic powers can interact with each other have been analyzed by Eric Olin Wright, in order to identify the various possible alternatives to the current capitalist model. Depending on the type of power that dominates, social or economic, the state is either interventionist, democratic/social or liberal/neoliberal. Within a representative democracy, citizens (social power) elect representatives who are supposed to control the economic power. If the political power is weakened or becomes dependent on the economic power, they lose the power they were supposed to hold. Democracy becomes formal rather than real. The future is uncertain and many questions arise. What model of democracy should prevail in the future? How to preserve the environment? How to organize the society? Is direct or participatory democracy the right way to strengthen the control of citizens on the political power? How to ensure that the general interest prevails? Should we aim towards more globalization and a world government or rather towards more autonomy and local power? Is the utopia of a federation of independent communities likely to be implemented with the help of digital technologies? According to Eric Olin Wright it is only by restoring the social power that it becomes possible to transform the current system for the benefit of the many. The approach taken by the Dutch historian Rutger Bregman is almost opposite. The "Utopia for realists" he considers includes all the dreams presently popular. Tomorrow (by 2030), it will be possible to do away with poverty, establish a working week of 15 h, open the borders and ensure a basic income for all. This dream would become possible through the goodwill of all, despite all the economic and political obstacles, in a world dominated by a small minority holding most of the power. It is certainly possible to establish a basic income and in some countries it is not even an utopia, but to believe that we live in the "best of worlds" and that anything is possible is an illusion or even a deception.

Les utopies semblaient avoir disparu de l'horizon politique. Les grandes utopies socialistes du XIXe siècle ne se sont pas réalisées, du moins dans leur conception initiale. Elles ont même pu contribuer à la mise en place de régimes totalitaires au cours du XXe siècle. Toutefois, la globalisation néolibérale qui s'est mise en place depuis les années 1990 a conduit à un monde plat, dépourvu de vision d'avenir. Dès lors, le besoin d'utopie se fait sentir à nouveau. Encore faut-il que ces utopies soient souhaitables, en échappant aux errements du passé et qu'elles soient réalisables. Le sociologue américain Eric Olin Wright a qualifié d'utopies réelles les systèmes politiques alternatifs qui pourraient se mettre en place dans l'avenir, en apportant des solutions satisfaisantes aux problèmes actuels. "Les Utopies Réelles représentent un moyen d'évaluer les institutions qui existent, notre expérience des possibilités futures dans nos présentes activités et des propositions de nouvelles initiatives pour des stratégies émancipatrices". Les différentes façon dont le pouvoir de l'Etat, le pouvoir social et le pouvoir économique peuvent interagir entre eux ont été analysées par Erik Olin Wright, afin d’identifier les différentes alternatives possibles au modèle capitaliste actuel. Suivant le type de pouvoir qui domine, le régime politique est dirigiste, démocratique/social ou libéral/néolibéral. Dans le cas démocratie représentative classique, les citoyens (pouvoir social) exercent un rôle de contrôle très indirect. Ils élisent des représentants qui contrôlent le pouvoir politique, qui lui-même est censé contrôler le pouvoir économique. Selon l’analyse présentée par Erik Olin Wright, si le pouvoir politique est affaibli ou devient dépendant du pouvoir économique, les citoyens perdent le pouvoir qu’ils étaient censés détenir en élisant leurs représentants. La démocratie devient formelle plutôt que réelle. Dès lors, les questions qui se posent sont nombreuses: quel modèle de démocratie devrait prévaloir dans l'avenir? Comment préserver l'environnement? Comment organiser la société? La démocratie directe ou participative est-elle la bonne option pour renforcer la démocratie?. La question de la préservation des biens communs de l'humanité, au premier rang desquels l'environnement se pose également avec acuité. Comment faire prévaloir l'intérêt général? En matière d'organisation, faut-il aller vers toujours plus de globalisation et vers un gouvernement mondial ou plutôt vers une organisation à l'échelle locale? L’utopie d’une fédération de communes libres et autonome est-elle susceptible de se réaliser un jour?  .Erik Olin Wright analyse les conditions d'un retour du pouvoir social, qui seul pourrait transformer le fonctionnement du système actuel au profit du plus grand nombre et c'est ce qui rend son analyse particulièrement intéressante.
La démarche suivie par l'historien néerlandais Rutger Bregman se situe presque à l'opposé de celle de Erik Olin Wright. Pour définir des "utopies réalistes", Il s'empare de thèmes actuels pour affirmer que demain (en 2030), il sera possible d'en finir avec la pauvreté, d'instaurer une semaine de travail de 15 h, de supprimer les frontières  et d'assurer un revenu universel pour tous. Pour cela, il table sur la bonne volonté de tous (oui, c'est possible!), sans analyser les obstacles à la fois économiques et politiques, dans un monde dominé par une petite minorité de plus en plus riche qui détient l'essentiel du pouvoir. Certes, il est possible d'instaurer un revenu universel et dans certains pays dont la France avec le RSA ce n'est même plus une utopie, mais dans quelles conditions et avec quels résultats? Faire croire que nous vivons dans le "meilleur des mondes" et que tout est possible est au mieux une illusion, au pire une trahison.

lundi 12 décembre 2016

La démocratie est-elle menacée? / Is democracy threatened?


The neoliberal ideology adopted since the Reagan/ Thatcher years  admits no contradiction. According to the famous assertion by Margaret Thatcher, "there is no alternative". Any corporation or nation that would like to follow a different path would take the risk to be isolated, marginalized or even sanctioned. Excluding any alternative view is the mark of a totalitarian ideology.The idea that the Western political system has lost, at least partly, its democratic functioning is now often put forward. The English sociologist and political scientist Colin Crouch  considers that we have entered a new era of "post-democracy", that "continues to have and to use all the institutions of democracy, but in which they increasingly become a formal shell". Sheldon Wolin, the American  political philosopher,  describes the present Western political system as "inverted totalitarism", which excludes the ordinary citizen from most decisions, which are dictated by the corporate power. The formal democracy which remains is called by Sheldon Wolin a "managed democracy". According to Sheldon Wolin democracy might appear as confined to a rather short period of time during history and might be considered as a "fugitive democracy". The present political system has been also labelled as a "soft-totalitarism", which rejects any contradiction, without using violent means. Soft-totalitarism refers to a prediction made by Alexis de Tocqueville in his book "Democracy in America" about a "mild despotism" a a potential evolution of democracy,  Although such a political system differs deeply from the totalitarian regimes which occured during the XXth century, in case of a serious crisis, it might evolve towards a much more authoritarian system, which would sharply limit civil liberties.

L’idéologie du néolibéralisme adopté à partir des années Reagan et Thatcher n’admet pas la contradiction. Selon la déclaration fameuse de Margaret Thatcher, « il n’y a pas d’alternative ». L’idéologie néolibérale a été imposée au monde entier. Toute nation qui voudrait suivre une voie différente prendrait le risque de se trouver isolée, marginalisée ou même directement sanctionnée. Refuser et a fortiori interdire tout point de vue différent est la marque d’une idéologie totalitaire.  L’idée selon laquelle le système politique occidental a déjà perdu, au moins en partie, son caractère démocratique est souvent évoquée. C’est ainsi que dès le début des années 2000, l’universitaire anglais Colin Crouch a pu parler de post-démocratie, pour décrire l’évolution du système politique en Europe et aux États-Unis. La post-démocratie se sert de méthodes de communication dérivées de celles qu’utilise la publicité commerciale pour manipuler l’opinion. Ses priorités émanent d’une minorité des dirigeants économiques et non de la population, qui, de ce fait, se sent de plus en plus écartée des débats politiques. Le philosophe politique américain Sheldon Wolin a décrit l’évolution récente du système politique aux États-Unis en termes de totalitarisme inversé. Selon Sheldon Wolin, la différence principale avec les totalitarismes du XXe siècle tiendrait au fait que le pouvoir économique domine le pouvoir politique et non l’inverse. Alors que les régimes totalitaires cherchaient à endoctriner la population et à l’impliquer fortement dans l’action politique, cette nouvelle forme de pouvoir anesthésie les citoyens par une communication lénifiante et les tient à l’écart de l’organisation politique. Agiter constamment une menace extérieure, terroriste, ou autre, aide à maintenir la population dans un état de sidération et d’apathie. Tandis que les formes extérieures de la démocratie sont maintenues, les principales décisions échappent totalement aux citoyens. Elles sont prises par les dirigeants des grandes compagnies internationales et des institutions paraétatiques, qui assurent une permanence du pouvoir, alors que les représentants élus par la population se succèdent, pour exercer un pouvoir qui tend à devenir fictif. Sheldon Wolin qualifie une telle démocratie, sous dépendance d’une minorité, de « démocratie dirigée » (managed democracy). Analysant l’évolution de l’organisation politique aux États-Unis, il va jusqu’à se demander si la démocratie n’a pas été une simple parenthèse dans l’organisation de la société. Sa quasi-disparition actuelle l’amène à évoquer une « démocratie fugitive » (fugitive democracy), qui se présenterait comme une sorte de parenthèse dans la longue histoire de l’humanité. La démocratie dirigée actuelle a été aussi qualifiée de totalitarisme soft, car tout en dessaisissant le citoyen des principales décisions économiques et politiques, elle veille à préserver les apparences et à ne pas apparaître comme pratiquant une répression brutale vis-à-vis de la population. Un "despotisme doux" avait déjà été annoncé par Alexis de Tocqueville dans son ouvrage "La Démocratie en Amérique".

samedi 21 mai 2016

L'avenir de la démocratie / The future of democracy


The future seems most uncertain in the political area. The great socialist utopias of the XIXth century failed to be implemented in a satisfactory way. They led to totalitarian or dictatorial regimes, instead of the ideal society which was anticipated. But, on the other hand, liberal politicies do not guarantee a democratic society either. To day, the rise of unequalities and the concentration of power in the hands of a minority represent a real threat for democracy. Furthermore, the values claimed by Western countries seem debatable. Thus, the promotion of human rights has been used as an argument for bombing countries in a most disastrous way. The neoliberal ideology which drives globalization wants to replace the political power by governance rules. The economic system is supposed to be self-organized. Private entities can apply any policy, as long as they comply with governance rules. Such a framework is incompatible with  democracy as no real decision power is left to the citizen, who can just comply with what has been decided by the economic actors. When the economic actors are in position to control the State, there is a real threat of a shift towards a totalitarian regime. Therefore, the question is raised about the best way to reinforce democracy.
The utopy of a peaceful world government seems far away and a threat rather than an assurance of public freedom.  The main issue has to be considered presently is how to improve the control of public decisions by the citizens. One way is to introduce a proportion of direct democracy, as it has been made possible through the use of digital technologies.  Other options include the development of a social economy, with organizations operating in the way of cooperatives, at least partly uopn a voluntary basis and the creation of a participatory democracy, involving a large participation of the civil society within the ruling bodies. 
The challenges humanity is facing require a long term approach, which is far from compatible with election timetables. What is needed is some kind of categorical imperative, which can compel citizens and political leaders to place the common interest above individual interests. It is possible only through shared values and a common vision of the future.

L’avenir paraît particulièrement incertain dans le domaine politique. Les grandes utopies socialistes du XIXe siècle ne se sont pas réalisées, du moins sous la forme selon laquelle elles avaient été conçues initialement. Au lieu de la société idéale qui était anticipée, elles ont contribué à la mise en place de la dictature d'un parti unique comme au sein l’ex-URSS ou aujourd’hui en Chine, .
   Dans les pays où la démocratie est ancienne, elle est menacée par la montée des inégalités et la concentration du pouvoir aux mains d’une minorité. Les valeurs dont elle se réclame sont contestées. Ainsi, la défense des droits de l’homme, au lieu de s’appuyer sur de réels principes éthiques, a servi de prétexte à des interventions militaires fort discutables, notamment au Moyen-Orient, avec des conséquences souvent catastrophiques comme en Irak, en Libye ou en Syrie. L’idéologie néolibérale qui oriente la globalisation actuelle prétend abolir ou, tout au moins, réduire au minimum le rôle du pouvoir politique en le remplaçant par une gouvernance guidée par des principes juridiques. Le système économique est supposé fonctionner en auto-organisation. Les entités privées sont alors libres de mener les actions qu’elles souhaitent, à condition de respecter les règles de gouvernance. Une telle conception aboutit en fait à une extinction de la démocratie, puisque aucun choix réel n'est plus proposé au citoyen. Le gouvernement démocratique est remplacé par un système dont le fonctionnement est régi par des mécanismes purement économiques et juridiques. Conçue en dehors de tout principe éthique, la gouvernance devient un instrument au service des plus puissants, ceux qui conçoivent les règles et savent les appliquer à leur profit. De ce fait, il existe, dans ce cas, un danger réel d’évolution vers un système de type totalitaire, dirigé par une minorité prétendant gérer suivant des règles de gouvernance, mais rejetant en fait toute expression démocratique.
   Dès lors, les questions qui se posent quant à l’organisation d’un avenir souhaitable sont multiples. Faut-il toujours espérer l’avènement d’un gouvernement mondial, qui permettrait de mettre fin à toutes les confrontations ? Un tel aboutissement de la globalisation actuelle, est souvent perçu comme le gage d’une paix universelle et le meilleur moyen pour surmonter les principaux défis mondiaux. S’engager dans cette voie pourrait toutefois conduire au résultat contraire, à la tyrannie et à la multiplication des conflits. L’existence de nations diverses en interaction mutuelle contribue à générer des espaces de liberté, alors qu’un gouvernement mondial, doté de tous les pouvoirs, risque d’aboutir rapidement à un système totalitaire. De ce point de vue, l’organisation du monde en entités régionales autonomes et diversifiées semble bien préférable.

lundi 15 février 2016

Sens et démocratie / The Meaningful Democracy


Liberty is a prerequisite of a meaningful society. A dictatorship or a bureaucracy are incompatible with meaning. From all the modes of government, democracy is the one that most respects human liberty and dignity. Still, respecting democratic forms is not a proof of a vigourous ethos, as was shown by the unfortunate Weimar republic. A democracy which is falling apart paves the way for totalitarism. Thus, the present legitimacy crisis of the western democracy represents a major threat. Legitimacy can find its source in ideas and principles which are able to transcend individual interests. In the past, the recognized source of legitimacy was God. Thus, the Church became the repository of legitimacy. According to democratic rules, the people represent the source of legitimacy and religion has been relegated to the private sphere, at least in western countries. During the twenty past years, this situation has been progressively shifting. Free markets have been considered as the source of legitimacy. Banks have become the repository of this new legitimacy. Multinational companies do not accept anymore to refer to the power of the people, but to technocratic institutions which comply with the rules of the Market and to a "governance", which has nothing to do anymore with democracy. Thus, it is not surprising that an increasing fraction of the population feels outcast and excluded from any access to the power, which becomes the preserve of a wealthy minority. In order to break this deadlock, it is necessary to find new sources of meaning and new symbolic expressions, which might be able to overcome the present reference to Markets. In order to preserve the gains of the previous centuries, democracy has to recover the path of the public good, by regaining its independance from the powerful lobbies, which try to rule the world.

La liberté est une condition indispensable pour que la société soit porteuse de sens. Un régime dictatorial ou bureaucratique est incompatible avec le sens. De tous les modes de gouvernement connus jusqu’à présent la démocratie est celui qui respecte le mieux la liberté et la dignité humaines. A ce titre, elle fait partie des acquis essentiels de la société occidentale. Toutefois, le respect des formes démocratiques ne représente pas en soi la garantie d’un ethos vigoureux. La malheureuse république de Weimar est un exemple de démocratie qui s’est délitée, en laissant la porte ouverte au totalitarisme. A ce titre, il est préoccupant de constater que la démocratie dans son ensemble semble passer actuellement par une crise de légitimité, qui la met en péril.
   Les institutions européennes, qui ont inspiré l’organisation du pouvoir dans l’ensemble du monde occidental, trouvent leur source dans l’Antiquité gréco-romaine. L’Empire romain avait compris que le pouvoir (potestas), pour être accepté, ne peut s’exercer sans une légitimité qui lui confère une autorité (auctoritas). Dès lors, une nation doit être gouvernée en vertu du couple indissociable potestas/auctoritas.
   La légitimité doit trouver sa source dans un principe capable de transcender les intérêts particuliers. C’est la référence à un tel principe qui donne un sens aux actions menées par le pouvoir et lui enlève le caractère arbitraire de décisions prises par un individu qui ne serait plus qu’un tyran. La source de légitimité peut varier dans le temps. Durant l’Antiquité romaine, la légitimité relevait des dieux, puis de l’Empereur lui-même élevé au rang de divinité. L’arrivée du christianisme a profondément transformé cette situation en transférant à Dieu toute source de légitimité. De ce fait, l’Eglise devenait la garante de la légitimité et donc du pouvoir. La démocratie moderne s’est libérée de cette dépendance et a transféré la légitimité au peuple souverain, formant la Nation. De ce fait, selon le principe de laïcité, l’exercice de la religion était renvoyé dans une sphère privée distincte de la sphère publique.

mercredi 13 août 2014

Les nouveaux maîtres du monde / The New World Masters

 
To become a World master has been the old dream of conquerors, emperors, kings and monarchs. The spreading of democracy seemed to have put an end to this dream, but the power derived from technology and finance, is such, presently, that it seems feasible once again. Jules verne was considering such a risk in 1904, when he wrote his book "The World Master", in which Robur the Conquerors plans to control the whole world with a technology he is the only one to detain. Presently, technology is less important than finance ,which makes possible to gather a huge fortune at a world wide scale and to hide it in the multiple tax havens spread around the World. The swiss sociologist Jean Ziegler has written a book about the new world masters, who detain this power and form a small minority, which tends to become richer and richer. He shows that those who detain this power can behave as cultured and pleasant people. The problems which raise from this situation are therefore to be attributed to a system, rather than to specific people. Although the analysis of Jean Ziegler seems relevant, the solutions he suggests look much weaker, which is probably an indication about the difficulty to change the situation. 

Devenir Maître du monde est un fantasme déjà ancien. Il a animé les conquérants et les  monarques absolus. La démocratie semblait avoir mis une fin à ce rêve, mais, à l'heure actuelle, la technologie et la finance, qui démultiplient les pouvoirs que peut détenir un individu, à une échelle encore inconnue jusqu’à présent, donnent une nouvelle réalité à ce fantasme. Les inégalités augmentent et la question se pose de savoir où cette tendance peut conduire.
   Jules Verne avait déjà perçu ce risque, lorsqu’il a publié en 1904 un ouvrage intitulé « Le Maître du Monde ». Dans ce récit, il met en scène Robur le Conquérant, qui veut devenir le maître du monde en utilisant des technologies dont il est le seul à disposer et en particulier un véhicule amphibie extrêmement performant. Alors que Jules Verne est souvent perçu comme le prophète d’un développement scientifique et technique sans bornes, ce récit fait preuve d’un profond pessimisme en ce qui concerne les conséquences du progrès technologique.
   L’association de la technologie et de la finance rend un tel projet à nouveau possible . La finance, qui permet de réaliser des gains fabuleux en quelques clics d’ordinateur, est l’outil le plus approprié pour y parvenir. Le trading ouvre la possibilité de gagner tous les jours un gros lot au Casino, à condition d’être bien informé et de disposer d'un pouvoir d'influence suffisant. Les revenus, aussi élevés soient-ils, peuvent être alors dissimulés en grande partie dans des paradis fiscaux qui abondent sur la planète