Ce blog rassemble des informations et des réflexions sur l'avenir qui nous attend.

This blog presents informations and views about the future.

samedi 6 mai 2017

La révolution biotechnologique / The biotech revolution



After the first industrial revolution, driven by coal and steam, the second which was based upon electricity and oil and the third driven by the digital technologies, biotechnologies might be at the centre of the new revolution which is expected to happen during the XXIst century. Since the discovery in 1953 of the DNA molecule by James Watson and Francis Crick, molecular biology was able to achieve remarkable progress. Sequencing methods, enabling the identification of all the  genes of a DNA molecule, have been developed. In 2000, the full decoding of the human genome, was announced at the same time by an international consortium  and by the Celera company, created by Craig Venter. These discoveries lead to a deep transformation of all the technologies connected to the living world, with applications in the health sector, but also agriculture, chemistry or new materials production. They can also be applied  in other sectors, such as energy, where they could pave the way to new technologies for energy conversion or storage. Gene therapy is often perceived as the next medical revolution, which might provide means for curing genetic diseases and delaying the aging process. However, other implications of these technologies are more worrying. The discovery of the genetic code allowed to produce genetically modified organisms (GMOs), to give them new features by modifying the sequence of genes. Many microorganisms (bacteria, yeasts, fungi) are now modified and cultivated, to produce drugs, chemicals or fuels. Genetic manipulations include plants and animals. The Monsanto Company has a virtual monopoly in the field of GMO seeds. Monsanto sells genetically modified seeds able to withstand a non-selective Roundup herbicide that it is also the only one to manufacture,  thus locking in a lucrative market. The majority of soybeans in the world (about 77%) is transgenic. This is also the case of a significant fraction of corn and cotton. There are different varieties of  transgenic maize, including Bt corn, which incorporates a gene that causes the secretion of a toxic substance to the corn borer, a common parasite. While for some experts GMOs will bring the way to feed the world and launch a second "green revolution", for others they represent a serious danger to the environment, biodiversity and humanity. Genetic manipulations can be applied also to animals and potentially to men. Thus, chickens have been genetically modified to become resistant to bird flu. The application of genetic engineering to human beings would represent, of course, the most dangerous step, bringing serious ethical problems. It opens the way to some potentially promising applications in gene therapy, but also attempts to change human genetic heritage for purposes of eugenics, which corresponds to a transhumanist perspective. Genetic engineering progresses rapidly. In 2012, a new tool for genome editing, called CRISP-Cas9, which is simple to use and universal, has been developed. It allows to manipulate the human genome much more easily than before. Genetic engineering is capable now, by assembling fragments of DNA,to  synthesize the genome of a living organism. In 2002, the biologist Eckard Wimmer and his team were able to synthesize the poliomyelitis virus. Like a 'living' virus, such a synthesis virus can reproduce and proliferate in a culture of cells. Thus, it can be produced at a low cost, less than a few hundred dollars for the hepatitis B virus and only a few dollars for the Ebola virus. In 2004, the Spanish flu virus, which had completely disappeared, was rebuild by decoding DNA from human tissue kept at low temperatures since 1918. For this reason, the mere publication of the genetic code of such a virus now poses an ethical problem. The low cost of dangerous virus production of course represents a formidable threat. In addition, genetically modified viruses, could be installed property news, likely to increase their lethal power. A handling error, which seems difficult to exclude entirely, would then cause a deadly pandemic. Viruses from genetic engineering could be used in bioterrorism or during armed conflict operations. In this area, an extreme caution is required, but without the emergence of a new awareness, it does not seem already acquired

Après la première révolution thermo-industrielle du XVIIIe siècle fondée sur le charbon et la machine à vapeur, la seconde fondée sur l'électricité et le pétrole et après la révolution numérique de l'information et des télécommunications, les biotechnologies pourraient se situer au cœur d'une nouvelle révolution au XXIe siècle. Depuis la découverte en 1953 de la molécule en double hélice de l’ADN par le biologiste James Watson et le physicien Francis Crick, la biologie moléculaire a réalisé des progrès spectaculaires. Des méthodes de séquençage, capables d’identifier l’ensemble des gènes portés par une molécule d’ADN, ont été mises au point. En l’an 2000, était annoncé le décryptage complet du génome humain, réalisé simultanément par un consortium international et par la compagnie Celera, créée par Craig Venter. Ces découvertes bouleversent toutes les techniques liées au vivant, le secteur de la santé tout d'abord, mais aussi le secteur agricole ainsi que la chimie ou la production de matériaux. Elles concernent également  d'autres secteurs, tels que celui de l'énergie, en ouvrant la voie à de nouvelles technologies de conversion ou de stockage de l'énergie. Dans le domaine de la santé, la thérapie génique est souvent perçue comme la prochaine révolution médicale, qui permettra de lutter contre les maladies génétiques et de retarder le vieillissement.  Toutefois, certaines applications de ces technologies sont plus préoccupantes, notamment celles qui permettent de produire des organismes génétiquement modifiés (OGM), en introduisant des gènes spécifiques dans leur patrimoine génétique, pour leur conférer de nouvelles fonctionnalités. De nombreux micro-organismes (bactéries, levures, champignons) sont dès à présent modifiés et cultivés, pour produire des médicaments, des produits chimiques ou des carburants. Les manipulations génétiques concernent également les plantes et les animaux. Des plantes génétiquement modifiées sont déjà cultivées à grande échelle dans le monde. La société Monsanto dispose d’un quasi-monopole dans le domaine des semences OGM. Monsanto commercialise notamment des semences modifiées, capables de résister à un herbicide non sélectif qu’elle est également la seule à fabriquer, le Roundup, en verrouillant ainsi un marché lucratif. La majorité du soja produit actuellement dans le monde (environ 77%) est transgénique. C’est également le cas du coton et d’une fraction significative du maïs. Il existe différentes variétés de maïs transgénique, dont le maïs Bt, doté d’un gène qui provoque la sécrétion d’une substance toxique pour la pyrale du maïs, un parasite répandu. Alors que selon certains, les OGM vont apporter le moyen de nourrir le monde entier et de lancer une seconde « révolution verte », pour d’autres ils représentent un grave danger pour l’environnement, la biodiversité et l’humanité. Les manipulations génétiques concernent aussi les animaux et potentiellement les hommes. Ainsi, des poulets ont été génétiquement modifiés pour devenir résistants à la grippe aviaire. L’application des manipulations génétiques aux êtres humains est, bien entendu, celle qui pose les problèmes éthiques les plus préoccupants. Elle ouvre la voie à certaines applications potentiellement prometteuses en thérapie génique, mais également à des tentatives de modification du patrimoine génétique humain à des fins d’eugénisme, dans une perspective transhumaniste. Les technologies de manipulation génétique progressent rapidement. En 2012, un nouvel outil d’édition de génome précis, simple et universel a été mis au point, CRISP-Cas9. Il permet notamment de manipuler le génome humain beaucoup plus facilement qu’auparavant. Le génie génétique est capable à présent, en assemblant des fragments d’ADN, de synthétiser le génome d’un organisme vivant. En 2002, le biologiste Eckard Wimmer et son équipe ont pu ainsi synthétiser le virus de la poliomyélite. à l’instar d’un virus « vivant », un tel virus de synthèse peut se reproduire et proliférer dans une culture de cellules, ce qui permet de le produire pour un coût dérisoire, ne dépassant pas quelques cents d’Euros pour le virus de l’hépatite B et quelques Euros pour le virus Ebola. On a même pu reconstituer en 2004 le virus de la grippe espagnole, qui avait totalement disparu, à partir de ses caractéristiques génétiques retrouvées sur des tissus humains conservés à basse température depuis 1918. Pour cette raison, la simple publication du code génétique d’un tel virus pose à présent un problème éthique. La production à faible coût de virus aussi dangereux représente bien sûr une menace redoutable. En outre, des virus génétiquement modifiés, pourraient être dotés de propriétés nouvelles, susceptibles d’accroître leur pouvoir létal. Une erreur de manipulation, qu’il semble difficile d’exclure totalement, provoquerait alors une pandémie mortelle. Des virus issus du génie génétique pourraient également être utilisés dans des opérations de bioterrorisme ou durant des conflits armés.  Dans ce domaine, comme dans d'autres, il faudrait que l'espèce humaine soit capable d'user avec prudence de la nouvelle puissance à sa disposition, mais sans l'émergence d'une nouvelle prise de conscience, cela ne paraît pas acquis

dimanche 30 avril 2017

L'entropie et l'avenir de l'énergie / Entropy and the future of energy

Reducing the energy consumption becomes a necessity for avoiding both the environment destruction and the depletion of natural resources. Still, due to the energy conservation principle, energy is not really "consumed". When it is used, it is transformed into lower quality energy, which means that the fraction of the energy which can be transformed into work becomes lower. This loss of quality is due to the production of entropy. According to the second principle of thermodynamics, the entropy of an isolated system can only increase. The entropy provides a measure of the amount of disorder within a system. It means that within an isolated system, human activity can only lead to an increase of disorder. It is the reason why energy and other natural resources cannot be indefinitely reused. N. Georgescu-Roegen was the first to understand the meaning of an increased entropy generation and to introduce this concept in economy.  Entropy generation is due to the consumption of energy and to the release of waste in the environment. For this reason, the « degrowth » supporters consider that the only possible remedy consists in reducing the level of consumption, starting first with most developed and richest countries. Natural ecosystems are able to do this, by using the sun energy they receive. If non polluting energy is available, it becomes possible to lower the entropy of a non insulated system. Therefore, in order to ensure the proper functioning or the technical and economic system, it is possible either to reduce the consumption of energy and the production of entropy, or to accept a high production of entropy, which must be compensated by a high input of energy. The first degrowth scenario is well  adapted to the use of renewable energy sources, due to the difficulty to supply a high amount of energy for each inhabitant with such sources (as they require ground area and materials the amounts of which are limited). The second scenario requires a high amount of concentrated energy, which might be provided in the future by nuclear fission or fusion reactors It means that such an energy should become safe, economic and socially acceptable, which cannot be taken for granted today. Furthermore, a highly concentrated and widely available energy source might be used for destructive purposes. Thus, although using less resources under fair conditions at the world level might seem  an utopia, the alternative scenario of a continuous growth of the energy consumption might prove to become a dystopia.

Il devient impératif de réduire la  consommation d'énergie à la fois pour préserver l'environnement et tenir compte de l'épuisement futur des énergies fossiles. Toutefois, l'énergie se conserve et n'est donc pas véritablement "consommée". Par contre, lorsqu'elle est utilisée, elle se dégrade, suivant le second principe de la thermodynamique. Elle finit par être rejetée sous forme de chaleur à la température ambiante et ne peut plus être réutilisée. La dégradation de l'énergie est liée à la production d'entropie. Le second principe de la thermodynamique spécifie que l’entropie d’un système isolé ne peut que croître. L’entropie d’un système mesure son niveau de désordre et la croissance de l’entropie signifie que le désordre à l’intérieur d’un système isolé ne peut qu’augmenter. Ainsi, « dans le contexte de l’entropie, chaque action de l’homme ou d’un organisme, voire tout processus dans la nature ne peut aboutir qu’à un déficit pour le système total ». La loi de l’entropie est donc à l’origine de la rareté économique. C’est elle qui empêche de réutiliser les ressources naturelles qui ont été consommées. Pour limiter la consommation d'énergie, il faut réduire la production d'entropie. N. Georgescu-Roegen a été le premier à concevoir la portée très générale de la génération d’entropie et à introduire ce concept dans le champ de l’économie. La génération d’entropie est liée d’une part à la consommation d’énergie et d’autre part au rejet de déchets dans l’environnement. Partant de ce constat et de l’idée que toute activité humaine génère plus de désordre dans l’univers, les partisans de la « décroissance » considèrent que dans ces conditions le seul remède possible consiste à réduire les niveaux de production et de consommation, en priorité bien sûr dans les pays les plus développés et les plus riches.  

mardi 25 avril 2017

Slow Food / Terra Madre

Carlo Petrini has founded the Slow food movement, which aims at dropping standardized and globalised fast-foods, in order to find the authenticity of regional products and a gastronomy liberated from productivism and search for rapid profit . He explains that the Slow Food movement was created in 1986, after a very serious crisis of wine production in Italie, with the use of methanol in adulterated wine. As a consequence, he decided to reestablish what is "good, clean and just". The Slow Food movement succeeded in combining these three qualities, by enabling its followers to restore a healthy and tasty food. This "ecogastronomy" offers traditional dishes made from organic products. It helps to develop a new ecosystem which helps small regional producers, short distribution systems and restaurants which accept to propose such a food, while contributing to transform lifestyles. The Slow Food movement is now present within the whole world, including United States, where numerous farmer's markets have been created and where the taste for organic and local food is spreading. The movement fights against the use of pesticides and harmful additives.It helps people to regain the taste for authentic products by organizing festivities, during which they are promoted and can be tasted. It fights also for more justice and against malnutrition. Carlo Petrini has also created the Terra Madre network, which helps to develop links between all the members of this new ecosystem, at a global level. The mouvement Slow Food movement and the Terra Madre network thus demonstrate that citizen initiatives can contribute to deeply transform not only lifestyles but also the social and economic organisation.

Carlo Petrini est le fondateur du mouvement Slow food. Ce mouvement vise à sortir de la nourriture standardisée et globalisée des fast-foods, pour retrouver l'authenticité des produits régionaux et d'une gastronomie libérée du productivisme et du profit rapide.Dans son ouvrage "Libérez le goût" publié chez "Libre & Solidaire", il explique comment il a créé le mouvement Slow Food, en 1986, après une crise très grave de la viticulture en Italie, en raison de la diffusion de vins frelatés au méthanol. Dès lors, sa préoccupation fut de rétablir ce qui est "bon, propre et juste". Le mouvement Slow Food parvenait à réunir ces trois qualités, en permettant de retrouver une nourriture saine et goûteuse. Cette "écogastronomie" propose des plats traditionnels composés à partir de produits biologiques. Elle permet le développement d'un écosystème qui fait vivre de petits producteurs régionaux, des circuits courts de distribution, des restaurants, tout en contribuant à transformer les modes de vie. Le mouvement Slow Food est présent actuellement dans le monde entier, y compris aux Etats-Unis, où se développent les farmer's markets et où l'on retrouve le goût pour l'organic et le local. Le mouvement milite contre l'usage de pesticides et d'additifs qui peuvent rendre la nourriture malsaine. Il aide aussi les populations à retrouver le goût des produits authentiques en organisant des manifestations festives. Il se bat pour plus de justice et contre la malnutrition. Carlo Petrini a également créé le réseau Terra Madre, qui au niveau mondial met en relation tous les membres de ce nouvel écosystème mondial. Le mouvement Slow Food et le réseau Terra Madre montrent ainsi comment des initiatives citoyennes peuvent transformer les modes de vie ainsi que l'organisation économique et sociale.

vendredi 14 avril 2017

Après nous, le déluge / After us, the Deluge

In one of his last books, Die schrecklichen Kinder der Neuzeit, Peter Sloterdijk quotes the Marquise de Pompadour, saying "Besides, after us the Deluge", when she was informed of the defeat of the French army at the battle of Rossbach. At that time, people at the top were conscious of the end of an era, even if they were living a permanent feast. The generation which disappeared was replaced, according to Sloterdijk by adventurers, bastards or opportunists. Napoleon is the prototype of these new men, who marvel at their own accomplishments. Laetitia Bonaparte is quoted saying: "I hope it will stay that way!". These events are compared to what is happening now, as the present generation fears for its future and hopes it will remain sustainable. For Peter Sloterdijk, the present nihilism results from the  inability of our society to assume the transmission of knowledge and culture. It represents the "the anti-genealogical turning point" embodied by Gilles Deleuze and Félix Guattari, when they were describing the rhizomatic society in their book " A Thousand Plateaus". Still, this postmodern world is now exhausted. "The fondamental anti-genealogical trend of the modern age - as the sum of all subversions, claims, denials, usurpations, aspirations and hybridations - has reached its estuary".  Whereas the society was hoping to have achieved the "great liberation", it is deprived from any future  Therefore, the two sentences "Besides, after us the Deluge" which expresses cynicism and "Pourvu que ça dure", which reflects anguish sum up the only two possible attitude. The words of Laetitia Bonaparte echo the hope of sustainability dear to our era. Rather than defending conservative views, Peter Sloterdijk expresses a deep pessimism. Behind an exorcism of destiny, he uncovers a total disarray, which pervades progressively the whole society. In his conclusion he wonders: "Who can seriously believe that it is possible to reconstruct ships in deep sea? Furthermore, who can still pretend that exists a command bridge on our ship." The society seems to have lost any control of its future.

Dans un de ses derniers ouvrages, Peter Sloterdjik cite la phrase célèbre de la Marquise de Pompadour apprenant la défaite des troupes françaises à la bataille de Rossbach: "Après nous le déluge". Cette phrase illustre la fin d'une époque que percevaient les témoins de ce temps, même quand ils vivaient dans une fête perpétuelle. Cette génération qui disparaît est remplacée à l'occasion de la grande disruption qu'a été la Révolution par une autre, composée selon Sloterdjik d'aventuriers, de bâtards et d'arrivistes, qui profitent du chaos ambiant pour atteindre les positions les plus élevées. Napoléon en est le prototype. Ces aventuriers s'étonnent de leur propre succès, ce qui fait dire à Laetitia Bonaparte: "Pourvu que ça dure". Ces événements sont à rapprocher de notre époque qui voit un monde s'écrouler et un nouveau monde arriver, avec une génération qui espère bénéficier d'un "avenir durable", alors que l'environnement est en flammes. A bien des égards, cette position peut paraître très conservatrice. Le nihilisme ambiant résulterait de l'incapacité de notre société d'assumer la transmission du savoir et de la culture. Ce serait le résultat du "tournant anti-généalogique" personnifié par Gilles Deleuze et Félix Guattari, lorsqu'ils annonçaient dans "Mille plateaux" la société rhizomatique. 
Toutefois, ce monde postmoderne est à présent épuisé. "La tendance antigénéalogique fondamentale de l'époque moderne - comme somme de toutes les subversions, réclamations, refus, usurpations, aspirations et hybridations - est arrivée dans le secteur de son embouchure". Cette civilisation mondialisée a atteint son delta. Alors que la société espérait avoir atteint la "grande libération", elle découvre qu'elle n'a plus d'avenir". Dès lors les deux phrases " Après nous le déluge" qui exprime le cynisme et "Pourvu que ça dure", qui traduit une sourde angoisse résument les deux deux seules attitudes possibles.La phrase de Laetitia Bonaparte fait écho au concept de "durabilité" ou de "soutenabilité" cher à notre temps.  
Plus qu'une conviction conservatrice, Peter Sloterdijk exprime un profond pessimisme, car derrière la conjuration du sort, il découvre un grand désarroi, qui envahit progressivement toute la société. Car qui croit sérieusement que l'on peut "reconstruire des navires en haute mer? Mieux, qui affirme encore qu'il existe une passerelle de commandement sur notre navire."

dimanche 19 mars 2017

Destruction créatrice et disruption / Destructive creation and disruption


Technological innovation involves destructive creation as was shown by Joseph Schumpeter during the last century. New technologies create a new world by destroying the existing one., through successive waves. The industrial revolution destroyed the world of water and wind mills, the automotive car replaced the horse-drawn carriage, the machine eliminated most of the physical labour and now artificial intelligence might eliminate any need of a human intervention whatsoever. Destructive creation is at the core of the capitalistic system, as the key for improving its margin of profit. Innovation becomes the main driver of the economy and the prerequisite of any economic success. The economic progress tends however to conceal the destruction at work within any innovation process. This destruction impacts the environment and the ways of life. If it does not take into account the cultural dimension, it becomes a disruptive transformation which can represent a "new form of barbarism", according to Adorno and Horkheimer, quoted by Bernard Stiegler in a recent book. Such a disruption inverts the project planned by the Enlightenment, at the origin of modernity. Technology is no more driven by the Reason, but, on the contrary, it is Reason which has to adapt itself to its irresistible movement. This situation is made worse by globalization, which makes even more difficult the conciliation between culture and the technological environment; Instead, the technological innovation becomes a tool for the subjugation to a globalized way of life. Bernard Stiegler considers even that the  inability of the human being to conform oneself to the explosive growth of the digital technology leads to a kind of madness. Rather than expanding permanently the creative.destruction, Pierre Caye proposes to favor the concepts of heritage, land development and architecture, which can be preserved and transmitted to the following generations. It is the only way to give a real meaning to sustainable development. 

L'innovation technologique se nourrit de destruction créatrice comme l'avait montré Joseph Schumpeter au siècle dernier. Les nouvelles technologies détruisent un monde pour en créer un autre. Elles procèdent ainsi par vagues successives. La révolution industrielle a ainsi détruit le monde  des moulins, la voiture à essence a remplacé les calèches, le moteur électrique s'est substitué à la machine à vapeur, la machine s'est substituée au labeur physique et à présent l'intelligence artificielle permet de produire toujours plus, en se passant de toute intervention humaine. Cette destruction créatrice est au cœur du système capitaliste, en lui permettant d'augmenter constamment ses marges de profit. L'innovation devient le moteur de l'économie et la condition même de tout succès. Le progrès économique tend toutefois à occulter la destruction à l'oeuvre dans tout processus d'innovation. Cette destruction touche l'environnement et les modes de vie. Si elle ne tient pas compte de la dimension culturelle, elles se transforme en disruption destructrice du système social, c'est à dire une "nouvelle forme de barbarie", selon l'expression introduite par Adorno et Horkheimer, rappelée par Bernard Stiegler dans un ouvrage récent. La disruption inverse le projet de la philosophie des Lumières, à l'origine de la modernité. L'innovation technologique n'est plus un projet conçu par la Raison, mais celle-ci doit s'adapter au mouvement irrésistible de la technologie. Cette situation est aggravée par la globalisation, qui ne permet plus d'associer une culture à un environnement; Au contraire l'innovation technologique devient l'outil de l'asservissement à un mode vie globalisé. Bernard Stiegler estime même que l'incapacité de l'être humain à s'adapter au caractère foudroyant de la révolution numérique conduit à une forme de folie.
A la destruction créatrice, Pierre Caye oppose les notions de patrimoine, d'aménagement du territoire, d'architecture, qui permettent de préserver et de transmettre aux générations suivantes ce qui a été acquis par les générations antérieures. C'est à cette condition que la notion de développement durable peut trouver un sens.

mardi 7 mars 2017

La crise de l'art postmoderne / The crisis of postmodern art



As the whole flat world, art has entered into postmodernity. Postmodernism disclaims any reference, overlaying various borrowings, using parody and pastiche. It dismisses any foundation or "grand narrative", i.e. any philosophical, political or religious system of thought. Il deconstructs the world. Postmodernism is the cultural counterpart of neoliberalism It is coherent with the absence of finality in a world governed by the Market. Its relativism is best suited to a world governed by economics. The value of everything fluctuates with supply and demand as stockmarket transactions. Therefore, nothing can be considered as false, ugly or immoral, if somebody is ready to pay. Everything can be bought and sold. Postmodern art becomes a tool for speculation, similar to hedge funds. Postmodern culture could be called also neoliberal, as it evolves according to the laws of the Market, totally open to globalization. Its composite style is well suited to the taste of nouveaux riches, those who are ready to reconstruct Loire castles or Venice canals. A large share of contemporary art follows those lines. It does not hesitate to deploy decorative kitsch. Jeff Koons, one of the best known contemporary artists, is famous for his inflatable rabbits and balloon dogs. Decorative paintings suit the Market as demonstrated by the smiling flowers of the pop-artist Takashi Murakami. Other artists claim derision and the rejection of good taste. A posh provocation as illustrated by Damien Hirst, when he displays diamonds on a skull, is well suited for a  reproduction on glossy paper. Some artists such as  David Salle claim that they are involved in « bad painting », as they mix unrelated images, without any attempt of coherenceAmong these different works, some may be worth posterity. It is still difficult to know which of them will remain. Few seem able to raise the level of consciousness. Still, the end of art, as suggested by the philosopher Arthur C. Danto, is unlikely. Art is not ending, no more than history. In the future, art might be able to reject the Market dictatorship, and illustrate exits from the flat world of postmodernity. Some artists, still unrecognized, are probably preparing the  art.of tomorrow  

Comme l'ensemble du monde plat, l'art contemporain est entré dans la postmodernité. Le postmodernisme a renoncé à toute référence fixe, en pratiquant des emprunts à différentes cultures et en prônant le syncrétisme des styles ou des époques. Sur le plan des valeurs et des idées, il marque le renoncement à des repères fixes, en maniant la dérision et l'ironie. Quand il reprend un thème antérieur, c’est le plus souvent sous la forme de pastiche. Il abandonne tout fondement et admet la fin des « grands récits », c’est-à-dire de tous les grands systèmes d’explication du monde, qu’ils soient philosophiques, politiques ou religieux. Il déconstruit le monde.
 Le postmodernisme est le pendant culturel du néolibéralisme économique. Il est cohérent avec l’absence de finalité d’un monde gouverné par le Marché. Le relativisme postmoderne est, en fait, la forme de pensée la mieux adaptée à un système régi par les seules lois économiques. La valeur de toute chose fluctue en fonction de l’offre et de la demande comme les actions en Bourse. Par conséquent, rien ne peut être considéré comme faux, laid ou immoral, à partir du moment où il existe un acheteur prêt à payer. Tout s’achète et se vend. L'art postmoderne sert à spéculer, au même titre que les fonds dérivés. La culture postmoderne pourrait donc être qualifiée aussi bien de culture néolibérale, car elle se construit en fonction des seules lois du Marché. Totalement ouverte à la globalisation, elle se construit en dehors des références culturelles nationales ou régionales. Le style composite qu’elle propose est parfaitement adapté aux goûts des nouveaux riches, ceux qui sont prêts à reconstruire les châteaux de la Loire ou les canaux de Venise.
   Une part importante de l’art contemporain se situe dans cette veine, n’hésitant pas à miser sur le kitsch décoratif. L’un des artistes contemporains les plus connus, Jeff Koons, qui s’est fait connaître par ses lapins gonflables et ses chiens en ballons multicolores, est parfaitement représentatif de cette tendance. Les effets décoratifs se vendent bien, comme les papiers peints couverts de fleurs multicolores que propose  Takashi Murakami. D'autres artistes revendiquent le jeu de la dérision, le rejet du bon goût, La provocation "chic" comme celle que pratique Damien Hirst, en disposant des diamants sur un crane, facilite la reproduction sur papier glacé. Il est possible également de revendiquer, comme le fait le peintre David Salle, le « bad painting », en pratiquant le télescopage d’images sans rapport, ni sur le plan du style, ni sur celui du récit.
   Parmi ces oeuvres diverses, sans rapport les unes avec les autres, certaines passeront peut-être à la postérité. Il est bien difficile d'en juger. Peu d'entre elles sont susceptibles d'élever le niveau de conscience. Pour autant, la prétention du postmodernisme d'incarner la fin de l'art annoncée par Arthur C. Danto n'est sans doute pas justifiée. L'art ne connait pas de fin, pas plus que l'histoire. Le néolibéralisme sombrera à son tour. Un jour viendra peut-être où l'art sera capable de renoncer au Marché, pour proposer des issues au monde plat de la postmodernité. Certains artistes, aujourd'hui méconnus, préparent sans doute la relève.

dimanche 19 février 2017

De l'utopie moderne à la dystopie postmoderne / From modern utopia to postmodern dystopia


The modern utopia was based upon the philosophy of Enlightenment. It was admitted that Reason would guide the world towards the technical and moral progress. During the XXth century, the advent of totalitarian regimes contributed to dismiss this optimistic vision. Still, the reconstruction of democracy after the Second World war fueled the hope of a better future. The welfare state, which was built in Europe, ensuring liberty, equality and fraternity among the citizens, appeared, to a large extent, as the fulfillment of the modern utopia. The fall of the former USSR seemed to provide the confirmation that such an ideal would be accepted by the whole world. 
Unfortunately, this modern utopia was replaced by another one, the neoliberal postmodern utopiaThe postmodern vision excludes any constructive thinking. There are no foundations or absolute values. Everything is relative. This postmodern vision is in accordance with neoliberalism, which rejects any regulating principle. Whereas classical liberalism accepted a reciprocity no-harm principle, neoliberalism relies only  upon power relations, assuming a Darwinian logic of competition, leading to the hegemony of the winner. Competition is supposed to be more efficient than cooperation, as it gives the power to the stronger. No regulation can interfere with the Market, which is supposed to lead to the only acceptable optimum .This logic applies to the relations between nations, which are governed by the economic or military power. Military interventions are just an extension of financial wars. Thus, major issues such as the prevention of global warming, biodiversity, poverty, unemployment cannot be correctly addressed. Sustainable development is incompatible with such a system. Furthermore, geopolitical tensions which result from this policy prevent international cooperation. 
This flat world, devoid of meaning and vision for the future, is now falling apart, but it is still difficult to know whether the present turmoil is leading us to a disaster or some kind of renewal.

L'utopie moderne était fondée sur les Lumières. La Raison allait guider le Monde vers le progrès technique et moral, ainsi que « la destruction de l’inégalité entre nations, les progrès de l’égalité dans un même peuple, enfin le perfectionnement réel de l’homme », comme l’annonçait Condorcet. Les régimes totalitaires, qui ont imposé leur marque au XXsiècle, ont apporté un cruel démenti à cette vision optimiste. Toutefois, la reconstruction de la démocratie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale laissait espérer un avenir meilleur. L'Etat-providence, tel qu'il a été construit en Europe, veillant à préserver la liberté, l'égalité et la fraternité entre les citoyens, pouvait apparaître comme l'incarnation de l'utopie moderne. La chute de l'URSS semblait annoncer l'extension de cet idéal à la Terre entière.
Malheureusement, à cette utopie moderne s'est substituée, une autre utopie, l'utopie postmoderne. Selon la vision postmoderne, il n'existe plus de fondement valable, ni de sens dans un monde entièrement contingent. Toute création n'est que simulacre, qu'il importe de déconstruire pour ne pas tomber dans l'illusion. Tout n'est que relatif et aucune échelle de valeurs n'est préférable à une autre. Cette vision s'accorde avec le néolibéralisme. Alors que le libéralisme classique se référait encore à un principe humaniste de réciprocité, le néolibéralisme est fondé sur des rapports de force et une compétition systématique entre tous.