Ce blog rassemble des informations et des réflexions sur l'avenir qui nous attend.

This blog presents informations and views about the future.

vendredi 16 octobre 2015

Le prix du carbone comme solution au réchauffement climatique / Carbon pricing as a solution to global warming


On October 15th, a Conference was held in Paris about the "Economic stakes of the 2015 Paris Climate Conference". A large group of economists has signed a call for an ambitious and credible climate agreement in Paris, based on three principles expressed in a very simple and concise manner:
(1) All nations should face ultimately the same CO2 price (2) Carbon pricing must incentivize universal participation and (3) "Free-rider" behavior has to be hindered. The way carbon pricing is implemented can vary: it can be based either upon a carbon tax or upon a cap-and-trade mechanism. It is considered that such a choice is not essential and can be left to the different governments. Carbon pricing remains compatible with transfer mechanisms in order to comply with equity principles and to achieve a universal participation. Presently, we are very far from such a universal acceptance of carbon pricing. In the view of the group of economists led by Jean Tirole, with the authority resulting from his Nobel Memorial Prize in Economics, it represents the only way to curb CO2 emissions in an efficient way. It would make possible to avoid the situation encountered in Europe where the big effort in favour of renewable energy sources has been accompanied by a wider use of coal replacing natural gas resulting in an increase of CO2 emissions. Carbon pricing is not part of the COP 21 agenda. Still, this idea is encountering a wider acceptance and might help to implement later on a final agreement, providing a real solution to the the global warming challenge. 

Le 14 octobre 2015 s'est tenu à l'Université Paris-Dauphine  un important Colloque sur " Les enjeux économiques de la Conférence de Paris sur le Climat". Il a réuni les économistes français se penchant sur la question du Climat, avec la participation d'un certain nombre de leurs collègues étrangers. Une équipe internationale d'économistes a signé un appel en vue de la COP 21, qui se ramène à trois principes qui sont exprimés de manière extrêmement simple et concise: (1) Toutes les nations devraient à terme se mettre d'accord sur un prix unique du CO2 (2) La façon de mettre en place un tel système de prise en compte du carbone émis doit permettre de l'étendre partout (3) Si une nation n'intègre pas une telle contrainte, elle doit être pénalisée dans le cadre des échanges commerciaux.
Une telle position n'est pas incompatible avec des mécanismes de transfert financiers entre nations, suivant des critères à définir. Le principe d'une tarification peut être appliqué en suivant différents mécanismes, dont les deux principaux sont la taxe carbone et le mécanisme de plafonnement et d'échange conduisant au marché des permis d'émissions. La façon exacte d'appliquer la tarification est jugée secondaire.

mardi 6 octobre 2015

Bioéconomie / The plenitude economy


For a long time, economy has tried to evolve as a pure science, independantly of   environmental or human factors, describing in an abstract way the relationship between suppy and demand. It has tried also to explain all human behaviour in economic terms. Thus, for the economist  Gary Stanley Becker,  parents invest in the education of their children, in order to get a protection when they become old, according to an economic assessment. At the opposite of such a conception, economy can be integrated within the much wider realm of  life sciences. Humanity cannot survive without its environment and the biosphere to which it belongs. Therefore, economy has to take into account the needs of the web of life and become a plenitude economy, a bioeconomy (bioéconomie in French, according to the economist  René Passet). An economy system can remain viable, only if it operates in symbiosis with the environment. It requires regulation modes able to limit the consumption of resources and the production of waste. Products and objects have to be designed in a way which helps to recycle them and to minimize their impact upon the environment during their whole life cycle from cradle to grave. Preserving nature, even in urban areas. besides preserving the environment, helps to improve  the quality of life, reducing the stress, bringing calm and serenity to the inhabitants.  Thus, regulatory and economic models taking into account bioeconomic factors help to organize a more harmonious way of life not only environmentally friendly, but also more peaceful and just  

L’économie a cherché pendant longtemps à se libérer des sciences humaines, en décrivant de manière de plus en plus abstraite les relations entre offre et demande. Elle a voulu aussi expliquer les comportements humains par des raisons purement économiques, de manière parfois caricaturale. Ainsi selon l’économiste Gary Stanley Becker, c’est pour se prémunir dans leur vieillesse que les parents investissent dans l’éducation de leurs enfants, en suivant un calcul économique. A l’opposé d’une telle vision, l’économie peut être intégrée dans le champ beaucoup plus vaste des sciences du vivant, dont elle ne serait qu’un sous-ensemble. L’humanité ne peut survivre en dehors de son environnement et de la biosphère dont elle fait partie. Pour ne pas s’engager dans des voies impraticables, l’économie doit tenir compte du milieu vivant et se transformer en une bio-économie, qui a été notamment préconisée par l’économiste René Passet. Le vivant, plutôt l’argent, devrait être considéré comme la valeur centrale en économie. Dans ses travaux concernant les interactions entre l’économie et le vivant, René Passet a cherché à dégager les conditions à respecter pour créer une économie durable.  Une telle bioéconomie ne se limite pas à exploiter au mieux les ressources naturelles et en particulier  la biomasse pour produire de l'énergie et des matières premières ( ce qui est le sens habituel de bioeconomy, d'où le choix de plenitude economy pour traduire bioéconomie en anglais). Elle vise à réunir toutes les conditions requises pour la préservation de la vie, qui remplace la richesse comme priorité de l'économie.

dimanche 13 septembre 2015

La génération des tribus / The new generation of tribes


The consumerist individualism is more and more challenged. The will to forge further human links drives the expansion of social networks and the creation of multiple associations and collective organizations. Communities of practice share a common passion, music, software or recent disruptive technologies such as 3D printing. Some communities share their belongings and live together. New generations are less interested by owning an equipment than by just using it. Numerical platforms help to develop borrowing or bartering practices. Small compact living districts are preferred to dispersed individual housing or large anonymous cities. The sociologist Michel Maffesoli describes contemporary tribes which meet around gathering totems. The members of a tribe are linked by emotional attachments. They share a similar musical taste and the same dress codes. They like to meet within large festivals or big fairs for sharing experiences. Thousands of participants meet each year in the Black Rock Desert of Arizona, for a big festival during which a large wooden effigy  is burned. Maker Fares are organized throughout the world, where makers come to show their créations and share their learnings. Other groups try to promote alternative policies. In France communities were created for protesting against the Notre-Dame-des-Landes airport project or the dam which was planned at Sievens. It was an opportunity for young people to share a common life and to test different ways of sharing common goods, such as tools or bikes. These large gatherings are an ideal laboratory for the future, where new ideas and lifestyles can be tested. They demonstrate a will to find common passions and closer social links.

L’individualisme consumériste est de plus en plus contesté. La volonté de retisser des liens humains se manifeste notamment à travers l’intérêt porté aux réseaux sociaux ainsi qu’à de multiples associations ou organisations collectives. Des communautés de pratique se réunissent autour d’une passion commune, que ce soit la musique, l’informatique (hackers) ou la mise en œuvre des technologies les plus récentes de l’impression 3D (makers). D’autres expériences vont jusqu’à la création de communautés de vie, avec partage de biens en commun.
   Les nouvelles générations sont moins intéressées par la possession d’un objet que par son usage. Des pratiques de prêt et de troc se développent, favorisées par la mise en place de plateformes numériques de partage ou d’échange. On peut ainsi échanger des logements pour une période de vacances, partager l’usage d’une voiture ou d’un outil de bricolage. Plutôt que d’être jetés après une période d’utilisation relativement courte, les objets trouvent constamment de nouveaux usages.
   Aux relations anonymes des grandes villes se substituent progressivement des liens plus directs entre voisins, au sein de structures urbaines ou rurales plus petites. Pour des raisons différentes, les grands ensembles ainsi que l’habitat individuel dispersé maintiennent l’éloignement social entre des voisins qui se croisent sans se connaître. Ces deux formes de structures urbaines, dominantes dans le passé, tendent à faire place à des ensembles d’habitations relativement compacts, qui restent à échelle humaine et favorisent l’interaction sociale, en recréant l’ambiance d’un village, dans lequel tous les habitants se connaissent et sont prêts à s’entraider.
   Le sociologue Michel Maffesoli a décrit les « tribus » contemporaines, formées par des groupes de personnes, qui se réunissent autour de totems de rassemblement. Les membres d’une tribu partagent des émotions et sont liés par des liens affectifs, qui s’expriment à travers diverses manifestations et actions collectives. Ils ont les mêmes goûts musicaux, partagent les mêmes codes vestimentaires et apprécient les mêmes modes de vie. Ils se retrouvent dans le cadre de grands rassemblements, à l’occasion de foires ou de grands événements festifs pour échanger des expériences communes.

samedi 15 août 2015

Corrida et dauphins / Corrida and dolphins


Some time ago, a distinguished French philosopher has highlighted the corrida as a most sublime  and ethical event. The bull only wants to fight and does not suffer (there are people who "know" it) . The corrida is moral, because "moral universality does not extend beyond the human species". Such an argument has been othen used establishing a radical barrier between "we", who are supremely intelligent and "others". The main argument is the beauty of "tradition", whatever its purpose. In Faroe Island, although a part of the most civilized kingdom of Denmark, a tradition which goes back to the XVIth century, consists in the slaughter (or grind) of the greatest possible numbers of dolphins and whales, with the help, nowadays, of powerboats. Only a small fraction of the meat, which is contaminated with heavy metals, is eaten.  This practice, although contrary to the European regulations, is supported by the Danish government in the name of "tradition". Five animal rights activists from the "Sea Shepherd" association were arrested recently, because they tried to prevent the slaughter. The fascination for slaughter seems to be part of human psychology, and it appears quite clearly that neither "philosophy" nor "civilization" can provide a proper protection against such a death drive . It is a matter of sensitivity, empathy, consciousness, whch can be transmitted but not demonstrated through reasoning. Thus only public opinion can prevent such practices. There are encouraging signs, and the fact that in Spain many political leaders have taken a clear position against corrida performances is encouraging.

Il y a déjà quelque temps, un distingué philosophe, qui plus est, directeur du département philosophie de l'Ecole normale supérieure, avait vanté le caractère sublime de la corrida. Quant au taureau, lorsqu'il combat, il ne soufre pas. Ce n'est évidemment pas le taureau qui nous le confie, mais un directeur de recherches sur la physiologie animale de Madrid qui le "sait".  La corrida est éthique en vertu du principe que "l'universalisme moral s'étend à l'espèce humaine et s'arrête à elle". Cet argument a beaucoup servi sous d'autres formes, dressant une barrière entre "nous", qui avons la chance d'être supérieurement intelligents et les autres. Le caractère "sublime" du spectacle, le jeu de la vie et de la mort, si impressionnant pour le spectateur assis dans son fauteuil, avait déjà servi à prolonger les combats de gladiateurs. Un jour, d'ailleurs, quelqu'un aura l'idée de réintroduire des êtres humains dans l'arène. Tout est une question de temps et d'argent. A ceux qui protestent, on évoque le respect de la "tradition".
Aux îles Féroé, qui font pourtant partie du très civilisé royaume du Danemark, la tradition consiste à tuer le plus grand nombre possible de dauphins  et de baleines. Cette pratique remonte au XVIe siècle comme "rite d'initiation".  Le massacre ou "grind" de centaines de dauphins se pratique en famille.  Il est aggravé par les moyens modernes (vedettes motorisées, hélicoptères) dont dispose la population pour chasser leurs victimes. Il semble que seule une faible partie de la viande est consommée.  Cette viande contaminée par des métaux lourds est en outre impropre à une consommation régulière.
Cette pratique, bien que contraire aux conventions reconnues au niveau européen, est soutenue par le gouvernement danois, au nom de la "tradition" (l'exception culturelle en quelque sorte) et cinq militants de l'association "Sea Shepherd" qui tentaient de s'y opposer ont été arrêtés.  L'attrait pour le massacre paraît ancré dans la psychologie humaine et malheureusement ni la philosophie ni la civilisation ne semblent en mesure de détourner les acteurs. D'autres facteurs doivent intervenir: la sensibilité, l'empathie, qui ne font pas l'objet d'un raisonnement mais doivent être ressentis. Il est donc nécessaire que l'opinion se mobilise, pour parvenir à supprimer de telles pratiques. Des progrès notables ont été enregistrés et le fait que la corrida soit de moins en moins bien perçue en Espagne, où des responsables de Podemos ont pris fermement position pour sa prohibition, est un signe encourageant. 

samedi 8 août 2015

Des centrales nucléaires intrinséquement sûres? / Intrinsically safe nuclear power plants?


Bill Gates, the richest man in the world, doubts about the future of renewable energy sources and has favoured an "intrinsically safe" nuclear energy.   In order to meet such a requirement, the nuclear plant has to remain safe along the whole processing chain. By using thorium, natural uranium or depleted uranium, it is possible to avoid the risks of nuclear proliferation, linked with uranium enrichment. It is also possible to limit the risk of  a diverging process leading to the melt down of nuclear fuel and accidents which occured in Tchernobyl and Fukushima. Finally, it is necessary to minimize if not eliminate dangerous radioactive waste. Bill Gates supports a project lead by TerraPower, a start-up he has financed, which develops a so called "progressive wave reactor". It is a fast breeder reactor, operating at high temperature, cooled by liquid sodium. In this reactor, a fission zone is moving progressively from the center to the periphery.  As a result, nuclear fuel might be introduced only once during the whole life of the power plant (breed-and- burn fast reactor).The concept is not yet proven and the cooling of the reactor when the fission zone is moving seems a problem (it is possible to move the fuel rods by robotic devices, but it makes the design much more complex). The "intrinsic safety" of the reactor does not seem demonstrated either. No miracle solution seems to exist and other concepts (molten-salt reactors, pebble bed reactors, accelerator-driven systems) have to be assessed in parallel. To day, Bill Gates seems rather cautious and supports also R&D long term renewable energy projects, such as artifical photosynthesis and high altitude wind energy.  His main idea is that investing in the R&D area should be the priority. In the energy area, there is presently no fully satisfactory option. Thus, innovative options are a key issue and Bill Gates is certainly right to consider that R&D is a priority.

Bill Gates, l'homme le plus riche du monde, doute des énergies renouvelables et parie sur l'avenir de l'énergie nucléaire, en cherchant à promouvoir une filière qui serait intrinsèquement sûre. La question mérite d'être posée. Dans quelles conditions une filière nucléaire serait-elle intrinsèquement sûre? Pour représenter une voie d'avenir, une telle filière doit également pouvoir fonctionner avec un combustible nucléaire suffisamment abondant et pouvoir être mise en œuvre de façon économiquement acceptable. Pour être intrinsèquement sûre, elle doit pouvoir exclure tout risque majeur tout au long de la chaîne:
1) En utilisant du thorium, de l'uranium naturel ou de l'uranium appauvri, on évite les risques de prolifération associés à l'enrichissement de l'uranium. On manipule un combustible moins dangereux que l'uranium 235.
2) En utilisant un combustible fertile, mais non fissile, comme le thorium 232 ou l'uranium 238, on peut limiter les risques de poursuite des réaction en chaîne qui ont provoqué la fusion du combustible à Tchernobyl comme à Fukushima. Il est nécessaire toutefois dans ce cas de disposer d'une source de neutrons extérieure pour entretenir la réaction.
3) Les déchets doivent présenter peu de danger. Les centrales au thorium produisent beaucoup moins de déchets dangereux. Les filières de quatrième génération permettent de réduire sensiblement la quantité de déchets à haute radioactivité et longue durée de vie.

jeudi 30 juillet 2015

Les niveaux de réalité / Levels of reality

 
Science is often perceived as giving access to the only existing reality. Although materialism boasts about admitting this only tangible reality, contemporary science does not support such a reductive view. It becomes increasingly difficult to consider that it is possible to get access to a single realityPhysical reality is represented by more and more abstract mathematical models. It becomes increasingly difficult to know if the representation they deliver should be considered as real. It is quite conspicuous in the case of parallel worlds, described by present models. Should they be considered as "real" or as mere assumptions.  The process through which reality is  perceived can also modify the representation of the observed reality .  This situation has lead the  physicist Werner Heisenberg, one of the founders of quantum mechanics, to consider different levels of reality. At the level of the macroscopic world, reality is defined as independent from the knowledge process. At the quantic level,  it dépends from the knowledge process. At the conscious level, at which philosophical, artistic and religious experiences take place, it is directly linked with the knowledge process itself. 
   To consider that consciousness might occur at a level of reality which differs from the usual material reality can help to explain why the usual scientific methodology is unable to explain it. It becomes possible to include within a global vision  of reality the realms of art,  litterature and interior life, without setting them at the same level as the physical world.

La science est souvent conçue comme donnant accès à une réalité, qui serait à la fois vraie et unique. Le matérialisme se targue de n’admettre que cette seule réalité tangible. La science contemporaine a pourtant mis à mal une conception aussi réductrice de la réalité. Certes, celle-ci garde un caractère objectif, en raison de la résistance qu’elle présente lorsque l’on tente de la conceptualiser. Par contre, il devient de plus en plus difficile d’affirmer que la connaissance issue de l’expérience permet d’accéder au réel lui-même. A une réalité immédiate et concrète, se substitue une représentation de plus en plus abstraite. La valeur du modèle mathématique capable d’en rendre compte correctement ne tient pas à une vérité qu’il détiendrait, mais à la précision avec laquelle il est capable de prédire un phénomène physique, ce qui impose d’adopter toute modification du modèle, capable d’améliorer sa capacité de prédiction.  On peut le constater clairement dans le cas des univers parallèles. En admettant que les modèles mathématiques issus de l’observation de notre Univers amènent à décrire des univers parallèles, peut-on les considérer comme réels? Ils le sont, si le modèle mathématique qui les prédit est suffisamment bien établi. En même temps, leur existence ne peut être admise comme certaine, car ils échappent à jamais aux observations humaines. Selon le physicien Mark Tegmark, la réalité du monde physique serait de nature mathématique. De ce fait, il faudrait penser que tous les mondes prévus par les modèles mathématiques existent réellement, même s’ils ne peuvent pas être observés. Ce point de vue reste isolé. Toutefois, il amène à se poser un certain nombre de questions difficiles. Les mathématiques représentant le monde physique sont-elles dotées d’une réalité intrinsèque ou simplement issues de l’esprit humain ? Le point de vue platonicien consistant à affirmer leur réalité intrinsèque a été défendu par d’éminents mathématiciens tels que René Thom, Alain Connes et Kurt Gödel, qui avaient la conviction, au cours de leurs recherches mathématiques, de découvrir un monde préexistant. En admettant que les mathématiques aient une réalité en soi, quel lien existe-t-il entre le monde de la physique et celui des mathématiques ? Le philosophe des sciences Roland Omnès opte pour le réalisme de ces deux domaines, tout en admettant qu’il demeure entre ces réalités une béance, qu’il n’est pas possible pour le moment de combler entièrement.

jeudi 9 juillet 2015

Transition ou rupture? / Transition or disruption?

"The age of transitions" is the last book written by the Belgian philosopher Pascal Chabot. For the author, the transition is the good change, the "desired change". He even claims that philosophy is the "thought of transitions", which is not quite convincing, especially when he refers to the myth of the cavern used by Plato. In fact, the transitions he mentions are not philosophical or even cultural, but social and economic. He mainly quotes the energy transition and the demographic transition and pleads for a generalized "transitology". In his view,  any disruption is impossible, because the world has become too complex for sustaining a disruption. Such a fear is understandable , but the argument seems too simple.  It would have been necessary to explain first that  a change is needed, because the present globalization is clearly unsustainable, as it is not possible to carry on undefinitely an exponential growth.  The transition corresponds to a voluntary inflexion. Still, it is not clear at all that the rulers of the present globalized world will be able to decide spontaneously such a change . The gap between words and reality is growing and, therefore, the risk remains high that the change will occur not through a transition, but through a disruption. The complexity of the technical and economic system does not decrease, but rather increase such a risk, as a society which becomes very complex is also less resilient, as shown by the historian Joseph Tainter. In such a case the whole present civilization might collapse, either due to an environmental catastrophy, or a globalized military conflict. Then it will be too late for any transition, as all transitions require time.

Le dernier ouvrage du philosophe belge Pascal Chabot s'intitule "L'âge des transitions". Selon l'auteur, la transition, c'est le bon changement, "le changement désiré". Certes, et c'est aussi, pourrait-on  ajouter, "le changement maîtrisé". L'auteur va plus loin et affirme que la philosophie est "la pensée des transitions". Cette affirmation est plus discutable, surtout quand elle s'appuie sur l'exemple de la caverne de Platon. Le terme de transition ne semble guère approprié pour évoquer l'éveil ou la conversion du regard, qui font passer de l'obscurité à la lumière, des illusions à la vérité. 
   De fait, les principales transitions qu'évoque l'auteur ne sont pas philosophiques, mais économiques et sociales. Il évoque, notamment,  la transition énergétique et la transition démographique et exprime son penchant pour une "transitologie" généralisée. En effet, selon lui, la rupture est devenue impossible. Toute posture radicale est désuète, car le monde est devenu trop complexe. On ne peut plus le bouleverser sans le détruire. On peut comprendre la crainte qu'exprime Pascal Chabot d'une destruction qui deviendrait irrésistible. Il s'agit là toutefois d'un point de vue qui peut sembler quelque peu limité, voire naïf. Il faudrait d'abord expliquer pourquoi le changement est devenu indispensable.